Page 31 - GraziaMag.ma N°044 Avril-Mai 2020
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GRAZIA MAGAZINE











           Jalil Tijani,
           humoriste

           Que pensez-vous du confinement ?
           Il y a une dimension théâtrale au confinement, sauf que
           normalement c’est au dramaturge d’imaginer le scénario
           et de l’imposer à des personnages fictifs. Là, c’est nous
           les personnages et le scénario qui nous est imposé est
           bien réel. La pièce a commencé, ça sera un huis clos
           tragi-comique.
           Comment vivez-vous cette situation ?
           C’est un peu délicat pour moi, je suis tactile,
           hypocondriaque et claustrophobe.
           Je le vis comme une expérience sociologique qui
           s’apparente à une télé-réalité avec la caméra en moins, et
           le concept c’est que je suis enfermé avec mes parents,
           mais comme dans toute bonne télé-réalité qui se respecte,
           nous avons des échanges très enrichissants du style :
           « Bordel, elle est où la serviette ? » Après il y a des jours
           plus frustrants que d’autres, j’ai parfois l’impression d’être
           dans la chanson Les Vieux de Brel : « du lit à la fenêtre, et
           puis du lit au fauteuil, et puis du lit au lit… »
           Comment mieux la vivre ?
           Je pense que face à toute situation imposée, il faut
           trouver un moyen de redevenir sujet de soi-même pour
           ne plus subir, notamment en se fixant des objectifs quels
           qu’ils soient (suivre un programme sportif, commencer
           un livre…). Le fait de quitter mon pyjama au réveil et de
           ritualiser ma journée m’aide beaucoup. Pour ceux qui
           sont tout seuls, je vous recommande une activité que je
           pratique depuis plusieurs années : se parler à soi-même,
           vous n’êtes pas l’abri de belles rencontres.
           Quel sens lui donnez-vous ?
           Certains y voient un sens métaphysique, le virus serait en
           fait l’anticorps que développe la planète pour se protéger
           de nous, en gros c’est la planète qui nous invite à méditer
           et aller nous faire voir… Cela dit, il est vrai que la planète
           se porte très bien sans nous, ce qui nous invite forcément
           à la remise en question de notre place dans cette aventure
           terrestre. Je pense que des événements pareils n’ont pour
           sens que le sens qu’on leur donne. On dit que c’est
           lorsque l’on perd un bienfait qu’on en mesure pleinement
           la valeur, je pense que je savourerai différemment tous les
           petits plaisirs du quotidien dont je n’avais même pas
           forcément conscience. Quand tout ce « bazar » sera fini,
           et qu’il y aura enfin une solution médicale, je pense que
           ça sera l’une des rares fois où tous les êtres humains,
           quels que soient leur pay, leur religion, bref toutes les
           différences quoi, seront heureux en même temps et pour
           la même raison, c’est plutôt encourageant. Cette crise
           nous renvoie aussi forcément à notre vulnérabilité et aux
           sens des priorités, l’ironie du sort a voulu que des pays
           qui se sont dotés d’armes nucléaires pour se défendre se
           retrouvent aujourd’hui à court de simples masques. ■



                                                                                               Avril/Mai 2020 • GRAZIA MAROC  − 31
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