Page 84 - GraziaMag.ma N°050 Novembre 2020
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GRAZIA CULTURE
SA VIE,
SON COMBAT
Jusqu’à son dernier souffle,
elle a voulu transmettre ce
qui a construit son
activisme, afin de dire aux
nouvelles générations que
l’injustice demeure, qu’elle
Photo DR est plus que jamais
intolérable.
ne loi qui bénéficie à l’émancipation
RELIRE ORWELL Ul’émancipation de l’ensemble de la
des femmes bénéficie à
L’auteur de « 1984 » et de « La Ferme des animaux » fait société », disait-elle. Et c’était tout le
sens de son combat. Son dernier livre,
son entrée dans la Pléiade. L’occasion de relire ces deux « Une farouche liberté » paru chez
œuvres prophétiques qui n’ont jamais été autant Grasset, restitue l’entretien que Gisèle
Halimi avait donné à la journaliste
d’actualité. Par Keltoum GHAZALI Annick Cojean du journal Le Monde, et
auquel elle travaillait encore à la veille de
ans « 1984 », les héros essayent nos vies - tout est enregistré quelque part sa mort, le 28 juillet dernier. C’est
d’échapper à un monde où le dans des immenses bases de données, aujourd’hui un best-seller, preuve que la
Dpouvoir (totalitaire) règne en nos intérêts, nos désirs, nos idées flamme allumée par l’avocate d’origine
espionnant continuellement les citoyens politiques, nos achats, nos besoins, notre tunisienne ne s’est pas éteinte avec elle
– « Big brother is watching you ! - vie personnelle, sociale, notre intimité. et que son combat pour la cause des
Aucune place n’est laissée au libre arbitre Ce qui était science-fiction à l’époque, femmes continuera. Dans ce dernier
et à la liberté d’action. Nos actes et est-il devenu la réalité, dans ce monde opus, Gisèle Halimi revient sur certains
pensées sont contrôlés. À l’ère de la plus orwelien que jamais ? La réalité a épisodes marquants de son parcours
novlangue et de l’emprise des GAFA sur peut-être même dépassé la fiction… ■ rebelle pour retracer ce qui a fait son
destin. Sans se poser en modèle,
l’avocate qui a toujours défendu son
autonomie, enjoint aux femmes de ne
L’EXTRAIT
pas baisser la garde, de rester solidaires
« Naturellement, il n’y avait pas moyen de savoir si, à un moment donné, on était et vigilantes, et les invite à prendre le
surveillé. Combien de fois, et suivant quel plan, la Police de la Pensée se branchait- relais dans le combat essentiel pour
elle sur une ligne individuelle quelconque, personne ne pouvait le savoir. On pouvait l’égalité à l’heure où, malgré les
même imaginer qu’elle surveillait tout le monde, constamment. Mais de toute façon, mouvements de fond qui bouleversent
elle pouvait mettre une prise sur votre ligne chaque fois qu’elle le désirait. On
devait vivre, on vivait, car l’habitude devient instinct, en admettant que tout son la société, la cause des femmes reste
émis était entendu et que, sauf dans l’obscurité, tout mouvement était perçu ». infiniment fragile.
Georges Orwell, « 1984 », Ed. Folio.
Gisèle Halimi, Annick Cojean,
Une farouche liberté, Ed. Grasset.
84 − GRAZIA MAROC • Décembre-Janvier 2021