Page 11 - GraziaMag.ma N°045 Juin 2020
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GRAZIA CHRONIQUE





















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                                             J’AI LE DROIT !


                                              Par Imane Naciri







                               ’écriture coule dans mon sang.    heureuses, des rebondissements à souhait, des
                               Les mots s’entrechoquent dans ma   personnages obstinés, des femmes courageuses,
                               tête, jusqu’à ce qu’un stylo ou un   des hommes provocateurs.
                               clavier les délivre enfin, en les   La vie n’est pas un long fleuve tranquille,
                    L couchant sur un papier. Tel un             impossible à contrôler. Tous les plans sont
                     sportif, je sens mes tempes tambouriner, et   déjoués par le hasard ou le destin. Lâcher prise
                     mon cœur s’affoler. L’adrénaline fuse, les yeux   et accepter ce qui arrive. Ou alors griffonner
                     s’exorbitent, la respiration devient haletante, la   quelques mots.
                     bouche s’assèche, la tête est inondée.      L’écriture me permet d’aimer et de haïr. De me
                     Écrire, c’est ouvrir une fenêtre et accueillir   rappeler et d’oublier. De grandir et de rester cet
                     toutes les rêveries, lors d’une nuit étoilée.  enfant calme et rêveur que j’ai toujours été.
                     Chaque phrase me fait vivre mille et une vies.   Toutes les émotions et tous les actes sont
                     Je perçois la sonorité de chaque expression. La   permis, je peux dormir femme, et me réveiller
                     vibration que chaque mot éveille en moi me   homme. Je peux m’envoler avec le battement
                     donne l’impression d’être                                d’ailes d’un moustique gênant,
                     toujours en voyage.                                      et revenir m’introduire dans la
                     Une voyageuse immobile®,     JE ME SENS                  tête d’un amant déchu. Je peux
                     voilà ce que j’ai toujours été.   LIBRE D’ÉCRIRE…        insulter, défendre ou protéger.
                     Mes destinations préférées                               Riposter, commérer et défier.
                     sont diverses et variées, elles                          Je me sens libre d’écrire, libre
                     sont au détour d’une rue…                                d’imaginer. Libre de penser. Je
                     Une douleur dans les entrailles, une violence   pourrais m’appeler Victor, et fréquenter un
                     dans les syllabes, un regard défiant, le cri   autre temps. Je pourrais être éclairée à la
                     inconsolable du cœur, l’hypocrisie d’une sœur,   Lumière d’un siècle, au lieu d’une vulgaire
                     la haine d’un ami. Une rencontre fortuite, un   lampe.
                     baiser tant attendu, un jardin coloré, un oiseau   L’écriture est une plume, détachée d’un être
                     construisant son nid, des papillons dans le   vivant, elle est l’apparat de l’écrivain mis à nu.
                     ventre, la légèreté d’une robe estivale, un   Légère et lourde à la fois, tremblotante et
                     dialogue désossé, un sourire volé, une étreinte   ferme, vibrante, passionnée, abattue, brisée,
                     puissante, des partages à demi-mot.         engagée.
                     C’est le champ dans lequel je gambade chaque   Écrire est un droit et aussi une obligation, car je
                     jour. Un champ jonché d’histoires, car une   n’ai le choix que de m’y soumettre avec ferveur
                     seule n’est jamais suffisante, des fins     et passion. ■







                                                                                                   Juin 2020 • GRAZIA MAROC  − 11
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