Psycho : Au secours, je refuse de vieillir !

La fuite du temps est inéluctable, pourtant notre époque est plus que jamais atteinte de « jeunisme ». Rester jeune éternellement, voilà donc le plus vieux rêve de l’humanité. Pour estomper les premiers signes de vieillesse, certaines sont prêtes à tout. Mais qui n’a jamais nourri l’espoir fou de trouver la fontaine de jouvence ? Paradoxalement, l’espérance de vie ne cesse d’accroître. Une femme peut largement espérer dépasser 80 ans. Mais, au-delà de la légitime peur de mourir, la gent féminine aborde le vieillissement comme un ennemi qu'il faut vaincre à tout prix. Une guerre perdue d’avance ? Quels enjeux se cachent derrière la course à la jeunesse et pourquoi cultive-t-on une telle appréhension?

En quête de jeunesse éternelle…

De l'aspect physique en passant par l'attitude, le langage ou le style de vie, de plus en plus de femmes multiplient les efforts pour ne pas basculer dans la catégorie des « vieux ». La faute à qui ? Les médias, la mode, la société ? Sûrement plus que d’autres, notre époque est victime d’un culte alarmant de la jeunesse. Le combat est en marche pour défier Mère Nature. Toutes adhèrent à cette idéologie collective du « jeunisme » perpétré par la société actuelle. Elles ont 30, 40, 50 ans et angoissent déjà devant le mot « vieillesse ». Comme si c’était une maladie honteuse. Et pour cause, avec un boom sans précédent de l’industrie de la beauté, notre culture est devenue incroyablement orientée vers le jeunisme. Un leitmotiv stéréotypé : « Pour réussir, il faut être jeune, belle et mince ! ». Or, tout est faussé, puisque dans toutes les campagnes publicitaires, les stars sont photoshopées et filtrées à outrance.

Scandaleux culte de l’image

Si dans une autre époque, les rides et les cheveux blancs étaient un signe de sagesse et d’expérience de vie. Aujourd’hui, seul le paraître compte. Désormais, avoir des rides, une chevelure grisâtre et une plastique décrépie, c’est laid, c’est démodé, c’est indécent. Ils doivent disparaître. Opération camouflage : on triche, on se tartine de soins, on file chez le chirurgien, on multiplie les colorations… C’est le fameux phénomène « anti-âge » qui touche même les millenials. Nombre d’entre elles se laissent volontiers influencer par les produits miracles, massages faciaux, pilules et autre lifting. Ce sont des créatures de rêve, mais elles s’entretiennent sur le pied de guerre. Pourquoi un tel revirement ? Parce que, quoi qu’on fasse, l’image reste souveraine et vendeuse. Et que pour plaire, il faut se plier aux diktats de la beauté. Ne pas faire leur âge, voilà l’ultime challenge de ces femmes à l’aube de la cinquantaine ou de la soixantaine. Paraître dix ou même vingt ans de moins, tel serait le passeport pour le bonheur. Même si elles sont déjà grand-mères, pas question d’emprunter le style désuet de la « mamie».  Elles transpirent en salle de gym pour sculpter leur silhouette, se ruinent dans les boutiques branchées, jouent à la mère-copine avec leurs filles… A l’instar du look, même l’attitude change. On se connecte sur facebook, on multiplie les selfies sur Instagram, on écoute des musiques tendances, on adopte le langage des ados et on s’affiche sans complexe avec des jeunes hommes. Vous avez dit cougar ?

La chirurgie esthétique à la rescousse

L’avènement du bistouri aurait-il changé la donne ? A coup sûr, le botox est la meilleure promesse d’une jeunesse éternelle. Encore plus miraculeuse que les produits rajeunissants, bien plus efficace qu’une séance chez le psy, la chirurgie esthétique fait carrément gagner du temps. Mais jusqu’à quand et à quel prix ? Au-delà des sommes folles dépensées pour s’offrir un nouveau visage ou un nouveau corps, le danger réside surtout dans la dépendance. Telle une drogue, la chirurgie peut vite virer à l’obsession et faire des ravages. Nombre de femmes, éternellement insatisfaites, multiplient les opérations mais le succès n’est pas toujours au rendez-vous. Plus on s’acharne, plus les effets attendus sont carrément contraires. Il est dommage de constater que beaucoup de femmes sont heureuses du résultat, alors même que leurs traits sont figés ou déformés. Des têtes statufiées, inexpressives, sans aucune histoire. Mais l’illusion est pleinement là. En vérité, le vrai problème est bien plus profond. Il n’est pas dans le physique, mais ailleurs.

Qui n’a pas peur de vieillir ?

Et surtout pourquoi vouloir vieillir ? La vieillesse est perçue comme un fardeau. Au-delà de perdre sa belle allure fraîche et pétillante de vie, on tombe dans la peur panique d’être inutile et de devenir un poids pour ses proches. Surtout quand la maladie s’en mêle. On ne craint pas forcément la mort, mais on est terrorisé à l’idée de perdre son autonomie. Décrépitude physique et intellectuelle, souffrance morale, solitude, abandon… Tels sont les facteurs qui nous obsèdent dès que l’heure de la retraite a sonné. Alors pour y échapper, on est prêt à se plier en quatre pour continuer à vivre au pays de la jeunesse. Une femme redoute la vieillesse parce qu'elle refuse de perdre son énergie et d’être victime de ces petits handicaps qui pourrissent la vie. Comme les malaises, l’essoufflement, les changements d’humeur, les troubles sexuels, la perte de mémoire… Et la liste est longue ! Finalement, on redoute surtout d’être impuissant et de ne plus pouvoir croquer la vie comme avant.

Que cache donc réellement cette angoisse ?

On l’a compris, de nos jours, la crainte de vieillir est directement liée au fait de perdre son pouvoir de séduction. Difficile d’accepter l’idée de la dégénérescence physique, surtout lorsqu’on est persuadé que seule une belle apparence ouvre toutes les portes. Alors, très tôt, on guette les premiers cheveux blancs avec anxiété. Sans compter la culpabilité de ne plus sentir désirable, surtout lorsque le partenaire vous le fait comprendre. Et puis, on est également déstabilisé lorsque les enfants deviennent adultes et parents à leur tour. Il est certain que toute cette angoisse dénote d’un véritable manque de confiance en soi et d’un déficit d’estime. Pour tenter de décortiquer son mal-être et surtout de mieux appréhender l’inévitable, une aide thérapeutique serait bénéfique. Car après tout, vieillir, est-ce vraiment une fatalité ? Pourquoi s’astreindre à un tel marathon pour tenter désespérément d’arrêter le temps ? On oublie trop souvent qu’il est naturel de vieillir, ça fait partie du jeu. Et chacun sait que personne n’est immortel. Peut-être que la vague de vampires au cinéma nous a quelque peu distrait, mais ce n’est que de la fiction. Dans la réalité, vivre longtemps est peut-être l’un des plus beaux cadeaux qu’on puisse avoir. Empoisonné, diront certaines ? C’est discutable. Dans la mesure où la perfection n’existe pas, pourquoi s’acharner à vouloir préserver une beauté éternelle. D’autant que l’amour comme l’amitié ne reposent pas sur l’apparence. Qu’importe les fissures du visage ou du corps, seules les qualités intérieures ont leur importance. Peut-être devrions passer moins de temps devant le miroir et vivre chaque âge intensément. Et puis, on peut vieillir très bien. Nombre de quinquagénaires et sexagénaires sont plus belles et plus épanouies que des filles de 30 ans. Du côté des célébrités, la liste est longue : Sophia Loren, Jane fonda, Meryl Streep, Isabella Rosselini, Sharon Stone, Michelle Pfeiffer, Kim Basinger… Elles ont su apprivoiser le changement et ont appris à aimer leur corps. S’accepter comme on est, telle serait sans doute la clé du bonheur et de la liberté.

L’avis du psy (Mme. Wiam Benjelloun*)

Comment les marocaines appréhendent-elles la vieillesse ?

Au Maroc, certaines  femmes vivent mal la menace persécutrice de la vieillesse durant la période de la ménopause qui signe l’arrêt de la fécondité. Ce lien entre  fécondité/féminité et vieillesse est très frappant. Elles ont peur de tout ce que ces changements hormonaux engendrent sur le plan physiologique, psychologique et social. Plus que les hommes, elles sont davantage touchées par ce phénomène car elles se construisent beaucoup autour des critères de beauté et de jeunesse éternelle que la société a excessivement influencée. Il faut ajouter à cela, que le vieillissement chez la femme s’accompagne souvent d’une perte plus ou moins significative de leur rôle de mère qu’elles ont longtemps construit autour de l’éducation de leurs enfants, de leur rythme de vie professionnelle et de la diminution du désir sexuel. Cependant, notons que la ménopause ouvre pour la femme une période d’épanouissement, de sagesse et de grande stabilité physiologique et affective. Pour mieux appréhender les choses, elle doit essayer de rentrer dans une démarche différente plus intériorisée, plus lucide où elle se nourrie de toutes ses étapes vécues. Bien vieillir c’est accepter les changements, faire la paix avec son passé, vivre sa sexualité sans contrainte…

 

* benjellounw@yahoo.fr