Page 17 - GraziaMag.ma N°050 Novembre 2020
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SONIA TERRAB

                                                              « En filmant ce quartier, en allant à la quête de ce
                                                              passé glorieux, je souhaitais questionner la
                                                              transmission : où est parti cet esprit ? Que reste-t-il de
                                                              cette époque aux jeunes de maintenant ? Qui sont les
                                                              Lemchaheb aujourd’hui ? Les héritiers ? En restent-ils
                                                              d’ailleurs ? Et comment allumer l’étincelle à nouveau ?
                                                              En cours de route, j’ai découvert que si la nostalgie du
                                                              passé était encore bien présente au Hay, l’énergie des
                                                              seventies, les restes de cette créativité, cette
                                                              effervescence, ont convergé vers un amour différent,
                                                              celui du foot et en particulier de l’équipe casablancaise
                                                              du Raja. Une des équipes les plus emblématiques au
                                                              Maroc (avec sa rivale le Wydad), dite l’équipe du
                                                              peuple. Si le quartier a vibré auparavant avec la
                                                              musique de Lemchaheb et de Nass el Ghiwane,
                                                              aujourd’hui ce sont les paroles des chansons des
                                                              ultras du Raja qui portent cette jeunesse et la bercent.
                                                              Résultat : Un portrait de quartier qui devient ainsi un
                                                              portrait d’une société, d’une jeunesse, d’un pays
                                                              complexe, entre les poètes du passé et ceux du
                                                              présent : cette nouvelle génération, perdue,
                                                              incomprise, mais qui le plus souvent ne demande qu’à
                                                              être entendue, reconnue », souligne Sonia Terrab.





                                                            aujourd’hui, pour la jeunesse égarée, Hay Mohammadi
                                                            « n’est plus qu’une périphérie pauvre de la métropole
                                                            casablancaise où les âmes s’entassent et les rêves se brisent
                                                            sur l’autel de la misère » nous explique la cinéaste. D’où le
                                                            titre poignant du film. Son immersion dans cet univers
                                                            durera un an. Elle suivra au quotidien et à différents
                                                            moments de leur vie Neknouki, Mouad, Achraf, Wawa,
                                                            Midou, Ayoub et tant d’autres. Elle donnera ainsi la parole
                                                            à ceux qui s’estiment être des « sans voix ». Sans tabous ni
                                                            censure, Sonia documente des vies qui défilent et où
                                                            chaque jour ressemble au précédent, une routine infernale
                                                            qui tourne autour de la drogue,  petits deals, chômage, hrig,
                                                            solidarité, foot, derb…
                                                            Des Seventies et de Lemchaheb, il ne reste plus que L7sla.
                                                            Mais à regarder de plus près, l’énergie, l’effervescence et la
                                                            créativité sont intactes. Si le quartier a vibré jadis avec les
                                                            groupes mythiques du Hay, aujourd’hui ce sont les paroles
                                                            des chansons des ultras du Raja qui portent cette jeunesse
                                                            et la bercent. L7sala est ainsi le portait d’un quartier
                                                            emblématique, mais surtout unique. C’est aussi le portrait
                                                            d’une jeunesse perdue et incomprise, qui pourtant ne
                                                            demande qu’à s’exprimer, à exister et avoir droit au rêve.
                                                            Sans vous spoiler… Entre parole brute, nostalgie du passé
                                                            et amour pour l’équipe de foot du Raja, portée par la
                                  Sonia Terrab a suivi au
                                        quotidien et à      musique du groupe Lemchaheb, ce film documentaire est
                                  différents moments de     une immersion de près d’un an auprès des jeunes du
                                    leur vie Neknouki,
                                  Mouad, Achraf, Wawa,      quartier mythique de Hay Mohammadi à Casablanca. Une
                                   Midou, Ayoub et tant     jeunesse dans l’impasse (L7sla) mais qui garde espoir. On y
                                           d’autres.        suit la trajectoire de trois jeunes dans des périodes
                            Photos DR                       différentes de leur vie mais qui font tous face au même
                                                            contexte : le manque d’opportunités et le sentiment de
                                                            tourner en rond.  ■



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