Quand l’art devient extrêmement libérateur pour deux artistes confinées ensemble…

Coincées durant le confinement dans un petit village au nord du Maroc, l’histoire d’Amal El Atrache et de Yi Ling est assez singulière et exceptionnelle. L’une marocaine, l’autre chinoise, évoluant dans des univers opposés, rien ne prédestinait à leur rencontre. Et pourtant, le hasard a bien fait les choses. Sous le même toit, durant des mois, elles ont du apprendre à communiquer, se comprendre, se supporter. Une complicité a fini par naître grâce à leur passion commune pour l’art. La première est une artiste peintre, comédienne et scénariste installée à Tanger depuis plusieurs années. La seconde est également peintre, mais aussi styliste et designer. En vacances au Maroc, elle ne s’attendait pas à un séjour prolongé de force. Mais ce fut un mal pour un bien, puisqu’elle a eu cette chance inespérée de mieux appréhender ce contexte très angoissant aux côtés d’une autre créatrice. Grâce à l’amour de l’art, le duo a su transformer son « emprisonnement » en immersion des sens. 

Ainsi, bloquées durant plus de 7 mois dans un coin perdu, au cœur du petit village de Médiouna, elles ont du composer entre castings digitaux au Maroc et gestion de magasins en Chine. Mais surtout, grâce à leur temps libre, elles ont pu donner naissance à une exposition inédite, fruit d’une solidarité exemplaire et d’une quête avide de liberté. Une histoire incroyable, une vraie leçon de vie qui défie les frontières du temps, de la terre, du langage et de la culture.

Même dans leur démarche artistique, les deux femmes s’opposent mais ont réussi à trouver une complémentarité passionnante. Alors qu’Amal ne jure que par l’aquarelle, ne quittant jamais son carnet de dessin et sa minuscule boite de couleurs, Yi est plutôt fervente de l’encre de Chine, une pratique ancestrale empruntée à son grand-père, légendaire calligraphe chinois. Aussi, malgré leurs différences, toutes deux sont hantées par cet inconditionnel amour de la création et de la poésie qui en résulte. En joignant leur imaginaire, décuplé par le confinement, elles ont réussi le formidable défi de mettre en scène des œuvres originales et puissantes qui racontent plusieurs histoires, plusieurs humeurs, plusieurs vies…

Regard aiguisé, geste précis mais néanmoins poétique, hymne à la nature… YI Ling semble emportée par une écriture automatique qui l’emmène immédiatement à la prochaine page. Trois coups de pinceau lui suffisent pour rendre le mouvement d’un personnage, d’un animal, d’un arbre ou d’une fleur. Elle trace son trait mais aussi son chemin vers une autre courbe, un autre moment de vie à immortaliser, sans pour autant la brusquer. De son côté, Amal s’attache plus aux nuances sentimentales. On sent qu’elle aime se perdre dans sa solitude pour en déceler toutes les parcelles de vie. Amal El Atrache, en tant qu’artiste contemporaine, aime donner des noms et des couleurs aux sentiments. Un seul format, un seul modèle pour toujours capter l’émotion de la rencontre, le spontané de l’attitude, pour partir à la conquête du cadre avec le modèle, avec pour gourmandise la pose de la couleur en éclats.

« Between China&Morocco », une exposition passionnante et bouleversante à découvrir absolument dès ce 10 octobre à Dar Chams Kasbha de Tanger.

 

Par Nafissa El Bouanani