Certains ont la phobie des araignées ou des serpents, d’autres ont une peur irraisonnée de leur propre corps. Scrutant la moindre faille, ils ont une vision déformée et obsessionnelle de leur physique. Certes, on a tous nos petits complexes, mais quand ça vire à l’obsession et qu’on ne supporte pas son reflet devant le miroir, le malaise est ailleurs. Il peut s’agir d’une réelle pathologie aux conséquences dramatiques. Tour du problème.
Une phobie pas comme les autres
Perte de confiance et d’estime de soi, peur du regard des autres, isolement, dépression, tendance suicidaire… Si vous faites une fixation maladive sur votre apparence, vous êtes probablement victime d’une vraie maladie : la « dysmorphophobie ». Derrière ce mot aux sonorités barbares, se cache une pathologie courante mais peu connue qui se définit par la conviction d’être laid et déformé. On reste focalisé sur ces imperfections qui nous pourrissent la vie. Qu’elles soient réelles ou imaginaires. De ce fait, nos complexes sont démesurés. De vilains bourrelets, un nez trop gros, des seins riquiqui… On a tous nos des traits quelque peu disgraccieux. Mais il y a une grande différence entre un complexe banal et la dysmorphophobie. Cette dernière résulte du sentiment profond d’être la risée de tous à cause de cette laideur imaginaire. Si bien que la honte et l’angoisse sont tellement exacerbées qu’elles finissent par déclencher un véritable handicap social. Car, même si ce n’est que psychologique, la souffrance est bien réelle. Pour l’atténuer, on tente le tout pour le tout. Rituels compulsifs, médicaments, chirurgie esthétique… Et parfois, lorsque l’obsession prend le dessus, certaines personnes vont même jusqu’au suicide.
Qui est touché ?
Cette maladie touche tout le monde. D’après certaines études américaines, une personne sur 50 souffre de dysmorphophobie. Cette maladie est d’ailleurs souvent associée à d’autres troubles comme la paranoïa, l’hypocondrie, l’anxiété, les TOC ou encore l’agoraphobie. Généralement, les femmes vont se focaliser sur les parties pileuses, l’aspect cutané, les seins, la taille, le nez ou encore le visage. Chez les hommes, la fixation se fera sur la taille de leur sexe ou sur leur musculature. Et on ne cessera de trouver une parade pour camoufler ces « disgrâces » : vêtements, maquillage, rituels, postures, filtres pour les selfies…
Quels sont les symptômes ?
- Le miroir : On entretient une relation torturée avec son miroir. Tantôt on s’y regarde de manière compulsive, tantôt on évite totalement son reflet. On peut également passer des heures dans sa salle de bain pour tenter de camoufler ses défauts avant de sortir.
-Les photos : Voir son image figée est souvent très mal vécu. Alors soit on en prend aucune, soit au contraire on se mitraille de photos dans l’espoir de trouver un cliché satisfaisant qui nous rassurera et calmera notre angoisse.
- La comparaison à autrui : On est en perpétuelle concurrence avec le physique des autres et donc on compare toujours nos complexes aux leurs. Même chose pour les photos de magazines qui sont scrutées avec attention.
Les répercussions ?
Comment être aimé des autres si on ne s'aime pas soi-même ? La phobie sociale est inévitable : la personne va préférer s’isoler plutôt que d’affronter le monde extérieur. Résultat : une dépression chronique est souvent la conséquence d’un tel mal-être. Ponctuée de problèmes sérieux comme l’alcool, l’anorexie ou la boulimie, les insomnies, la prise d’anxiolytiques, l’automutilation… Sans parler de nombreux échecs professionnels et sentimentaux. Le détail physique deviendra l'argument pour toute rupture ou défaite.
Ca se soigne docteur ?
Diagnostiquée à temps, cette maladie peut se soigner. Contrairement aux idées reçues, la chirurgie esthétique est loin d’être le remède miracle : ce n’est pas entre les mains d’un chirurgien que le problème s’effacera. Au pire, on trouvera le résultat encore plus horrible, au mieux, on se focalisera sur une autre partie du corps et cela ne s’arrêtera jamais. Seule une vraie thérapie peut redonner espoir au patient. Une fois cette étape passée, selon le cas de chacun, plusieurs thérapies comportementales et cognitives sont conseillées. La sophrologie facilite également la guérison. Dans le cadre d’un suivi médical, certains antidépresseurs peuvent être prescrits. Et au bout de quelques mois, les défauts imaginaires s’envoleront…
L’avis du pro (psychologue/sexologue Amal Chabach)
Nous vivons dans une société qui prône haut et fort les apparences : la jeunesse, la beauté, la richesse, le pouvoir...Si nous souffrons d'un manque de confiance en nous, une estime de soi ébranlée, une peur du regard et du jugement de l'autre, nous serions fragiles psychologiquement et serions toujours en quête d'une perfection « imaginaire » qui n'existe nulle part, sauf dans un esprit torturé, sous tension, éternellement insatisfait et envahit par une énorme angoisse de ne pas être aimé pour ce qu'il est. La dysmorphobie est une pathologie obsessionnelle, où la personne n'arrête pas d'avoir des pensées négatives, destructrices, se mutilant consciemment car quand elle se regarde dans un miroir, elle voit un « monstre ».Une non acceptation totale et violente de tout son corps ou d'une partie de son corps, la pousse jour et nuit, à la changer, l'abolir ou à la cacher. Une souffrance profonde de son être qui continuera à exister même après une chirurgie esthétique. Comment peut-on se soigner? Une aide psychothérapique est nécessaire, mais le plus difficile est de prendre conscience de ce besoin et d'accepter de faire le premier pas. Une aide du partenaire, de la famille et des amis est aussi très souvent nécessaire.