Certains en rêvaient depuis l’école primaire, dure période de l’existence où un simple accent circonflexe oublié conduisait droit au piquet, quand il ne valait pas quelques coups de règle sur les doigts. L’annonce de la reforme de l’orthographe française, qui sera appliquée dès la prochaine rentrée scolaire, ne fait pourtant pas que des heureux. Puristes invétérés ou ex-traumatisés du bonnet d’âne, tous s’en sont donné à cœur joie sur les réseaux, par une avalanche de commentaires sous le hastag #jesuiscirconflexe, puisque les petits chapeaux vont peu à peu disparaître sur le "i" et le "u". La plupart des internautes disent à peu près la même chose: pourquoi changer certaines règles, certes compliquées à retenir voire inutiles, après avoir été assimilées de haute lutte, dans la souffrance et la culpabilité. Parce qu’à présent, il va falloir retenir les quelques 2400 mots modifiés et ne pas omettre que "portemonnaie" ou "millepattes" se passent désormais de leur petit trait d’union.
Mettons cependant les points sur les i : cette « nouvelle » orthographe qui a mis subitement le feu au web, est vieille en fait de 26 ans, puisqu’approuvée par l’Académie française en 1990. La véritable actualité est qu’elle sera systématisée dans de nouveaux manuels scolaires à partir de la rentrée prochaine. Ils porteront un macaron «nouvelle orthographe», pour ne pas qu’élèves et professeurs y perdent définitivement leur latin. Surtout, elle n’a rien d’obligatoire, les amoureux de la langue de Molière pourront donc toujours écrire oignon et non pas ognon, nénuphar au lieu de nénufar, et continuer à se faire le plaisir de mettre les accents circonflexes là où ils ont toujours été, bien à leur place.
Keltoum Ghazali