Cette semaine aura été émotionnellement éprouvante. À l'image du dur périple des réfugiés et migrants qui fuient la Syrie et l'Irak, le flot d'informations a été riche en malheurs, la photo du petit Aylan ayant atteint le summum de l'infâme. Parfois, à défaut de ne pas savoir, on préférerait du moins ne pas voir. Car à quoi sert ce genre de photo? Oui, on est choqué. Oui, on ne pourra pas dire qu'on ne savait pas que ces gens sont dans une situation indigne. Oui, ça nous empêche de dormir la nuit, de tourner rond mais qu'y peut-on ? On nous parlera du devoir de mémoire, du droit de savoir mais la pression exercée par la société médiatique du tout au courant jusqu'au dégoût forme une sorte de solidarité dans le malheur qui donne envie d'exercer aussi son droit à l'oubli. À l'instar de l'autruche, on va éteindre, ne serait-ce qu'un moment, tous les canaux d'information et se terrer chez soi, graciant le ciel pour tout ce que nous avons, nous, et saluant au passage les bonnes volontés qui ouvriront leurs portes aux réfugiés, maudissant les pays qui vont les choisir selon qu'ils sont diplômés ou non. Et puis on va volontairement se bander les yeux devant les plateformes qui montrent des vidéos violentes au nom de la sacro-sainte information : sous couvert d'être au fait, on nage en plein voyeurisme. Souvenez-vous de la vidéo de la fin de Kadhafi : inhumain, non ? Laid, dur, écœurant, effrayant... Depuis que le monde est monde, il est fait de flux migratoires et de tyrans démoniaques. La presse, elle, est une jeune industrie qui exige que l'on réfléchisse encore à sa pratique en vue de la tempérer, à défaut de la moraliser. Vous me suivez ?